J'ai toujours pensé que plus tard ce serait mieux plus simple, plus facile, plus heureux, je ne vivais pas dans le présent je courrais vers cet avenir idéalisé et je repoussais toujours le moment où je serais enfin heureuse... Et puis tu décides de mourir alors je suis contrainte de vivre dans le présent sans cette possibilité de fuite en avant. Et tout me demande un effort considérable, respirer, sourire, m'occuper des enfant, de la maison, sans toi, tout a perdu son sens, je dois me confronter à mes angoisses dans un monde où tout peut arriver puisque tu n'es plus...tout devient incertain et anxiogène, la vie ne va plus de soi puisque tu viens de refuser de vivre la tienne, Je veux fermer la porte à cette possibilité de faire comme toi, je veux décider que la vie est belle même sans toi, je veux apprendre aux enfants qu'on se relève de tout même de la pire des douleurs, je veux réussir à choisir ma vie, je veux être moi, enfin.

À toi que j'aime... J'avais 35 ans, M. 7 ans et R. 6, nous venions d'acheter une petite maison de vacances dans le Gard, tu venais de monter ta boîte, mais tu as mal choisis tes associés. Je venais de m'égarer dans un chemin qui n'était pas le mien. Cela faisait du temps que je ne savais plus comment faire pour garder le bonheur dans notre foyer, ta violence avait ouvert des brèches un peu partout en moi, que je ne parvenais plus à colmater en tentant de ne pas les voir. Et puis en une seconde, une toute petite seconde maudite, tu as tout détruit en mourant volontairement à la fin de ces magnifiques vacances, celles de la réconciliation de notre couple, celles du bonheur pour notre famille. Cela fera bientôt deux ans que tu ne partagés plus notre vie et tout est si différent, ma tristesse en fond sonore, ma colère qui ne vient que si rarement et tout ce manque de toi que rien ne comble et que plus rien ne comblera...Les petits poussent sans toi, sans ta bienveillance et le doux regard que tu posais sur nous, avant... Cet avant que rien n'efface, cet avant qui gâche parfois cette nouvelle vie que nous n'avons pas choisi. Cette nouvelle vie que tu nous impose et dont nous ne voulions pas. Le quotidien est tellement différent, et pourtant le plaisir surgit, des moments de grâce où nous parvenons à oublier que tu ne seras plus...

Je n'avais pas besoin que tu te tues pour ça... Je regrette chaque seconde où j'ai pu te faire du mal, je suis tellement désolée mais cela ne sert à rien, tu ne peux même plus m'entendre... Chaque souffle m'épuise, chaque mouvement me détruit et tu n'es pas là... Je ne peux rien faire et tu ne seras plus jamais là... L'air peine à pénétrer dans mes poumons, je me détruis de l'intérieur pour essayer de vivre sans toi et je n'y arrive pas. Je ne veux pas de cette vie et tu m'obliges à vivre. Je ne trouve plus aucune légitimité à cette vie de M... Je ne veux pas reprendre une "vie normale" sans tou rien n'est normale. Tu me manques, je n'ai pas envie, je n'ai pas la force c'est Tellement injuste et Tellement dur sans toi, plus tien n'a de sens.Mon existence se résume à Etre mère et quand les petits princes ne sont pas là, je ne sais pas ce que je fais là...

Que répondre à cette interrogation répétée, rituelle. Cette question qui n'en est pas une, puisque la réponse ne peut pas être sincère, dans le jeu social et relationnel, il faut "allezbien" même si ce n'est pas le cas... Alors je vais bien aujourd'hui, mais cette fois il n'y a rien d'imposé, ni de conventionnel. Je vais bien et c'est assez surprenant mais soulageant de penser qu'un jour le poids de ton suicideseta moins lourd à porter... J'ai rencontré une personne qui vivait la même douleur et je me sens moins seule. J'ai besoin d'échanger avec d'autres personnes qui vivent ce type de deuil particulier où la culpabilité ne cesse de nous ronger, celle de ne pas avoir compris la douleur de l'autre, de notre amoureux avec lequel je partageais tout par ailleurs. J'aurais aimé comprendre, j'aurais aimé t'aider mais je n'aurais pu le faire que si tu le souhaitais et tu n'as rien faot pour que je te viennes en aide... Alors je suis là, sans toi, à ne savoir que faire de cette liberté sue tu m'imposes...

Je me sens maladroite, impulsive, angoissée, peureuse, honteuse, déprimée, pesante, pressée, perdue...